La Famille

LA FAMILLE

HISTORIQUE

De l’antiquité à aujourd’hui

LES ROLES PARENTAUX

Devenir père et mère

Parents et socialisation

Le rôle essentiel de la mère dans l’apprentissage du langage

Parents et socialisation

La place de chacun dans l’éducation

Education et autorité

Parents biologiques – parents de substitution

TRANSACTIONS FAMILIALES

« Modèles » familiaux

La famille change ?

Couple de vie - couple parental ?

Désir d’enfant- droit à l’enfant

Les cycles de vie

La famille une affaire de LIEN

La délégation

Legs et mérites

Mythes familiaux

Crises familiales

Les fonctionnements familiaux problématiques :

Enchevêtrées

Désengagées

Chaotiques

A transaction schizophrénique

BIBLIOGRAPHIE

Historique :

  • Dans l’antiquité :

Jusqu‘à ce que l’homme comprenne son propre rôle dans la procréation, les sociétés préhistoriques sont essentiellement matriarcales. Ce n’est qu’au début de l’antiquité que l’homme s’arroge le pouvoir social et celui de l’éducation.

La notion de puissance paternelle remonte à l’antiquité, elle autorise une éducation sévère mais elle trouve une limitation dans deux principes supérieurs : les droits de Dieu et les droits de l’Etat.

Les Perses, les Egyptiens et les Hébreux voient dans l’enfant un don de Dieu, l’enfant est un être sacré. Ainsi l’Egyptien coupable de sévices mortels sur son enfant est condamné à tenir le cadavre embrassé pendant trois jours et trois nuits sous la surveillance d’un garde (Diodore de Sicile).

Dans les cités grecques, la puissance paternelle est limitée : « l'Etat considère le corps et l’âme de chaque enfant comme lui appartenant » (Platon)

Le rôle de la mère, en dehors de celui de génitrice, est peu présent dans l’antiquité, même en Egypte où la femme est l’égale de l’homme. Passée la prime enfance, l’éducation revient au père.

  • Du droit romain à la révolution industrielle :

Le droit romain est patriarcal, l’homme devient père par sa propre volonté, il peut refuser d’élever un enfant que son épouse vient de mettre au monde même s’il ne met pas en doute sa paternité. Il peut aussi lorsqu’un enfant naît sous son toit, même s’il n’est pas de son sang le légitimer comme son enfant. Cette légitimation de l’un ou l’autre de ces enfants se fait par le geste du « libre soulèvement ». Il fait ainsi l’enfant sien au vu et au su de tout le monde. Il a le droit de vendre ou de tuer son enfant.

Les enfants qui ne sont pas reconnus par le père sont exposés ; c’est à dire abandonnés sur les marches du temple à l’appétit des bêtes sauvages ou dans le meilleur des cas à la compassion des passants.

La mère n’est pas consultée car elle ne transmet ni le nom ni les biens. Comme l’on pensait que le lait transmettait l’hérédité et pour privilégier la lignée paternelle, l’allaitement était dévolu à des esclaves dans les familles riches ou moyennes.

On ne peut déterminer si c’est sous l’influence du christianisme ou d’un besoin d’ordre moral, l’un n’excluant pas l’autre, la législation évolue au deuxième siècle de notre ère :

  • le père est celui que de justes noces désignent,

  • la morale devient loi, le droit de tuer l’enfant est aboli en 321 et l’exposition en 374.

Conséquence de cette nouvelle législation : les bâtards n’ont pas de père et Justinien interdit l’adoption des enfants incestueux ou adultérins.

Le christianisme, malgré la figure de la Vierge mère, considérant la chasteté et la virginité comme des vertus bien préférables à la fécondité, ne renforcera pas le rôle maternel. Le terme de « maternitas » n’apparaît d’ailleurs qu’au XII ème siècle pour désigner «  l ‘Eglise épouse du Christ ».

Au moyen âge la puissance paternelle qui jusque là relevait de l’autorité du père change. Dans le droit coutumier la veuve peut devenir la tutrice de ses enfants et par exemple administrer leurs biens.

Ce changement résulte de deux influences :

- La première venait du clergé qui s’inspirant des idées romaines sur la tutelle, les avait fait en partie adopter des Visigoths et des Burgondes, en conférant à la mère veuve la tutelle des enfants mineurs. Cette disposition sera reprise dans presque toutes les coutumes réformées de France.

- La deuxième découle du mode de vie féodal, le seigneur parti guerroyer, en croisade ou festoyant de ci de là pour rompre la monotonie de la vie au château laissait à la châtelaine la direction de la famille. Souvent le seigneur ne revenait pas de ses pérégrinations et tout naturellement la veuve gardait la tutelle des mineurs et la gestion de leurs biens.

Sous l’ancien régime on s’achemine vers le père géniteur, nourricier, éducateur, conservateur du patrimoine et des traditions. Le rôle des mères se différencie en fonction de l’appartenance sociale. La paysanne est reproductrice et nourricière, elle a une fonction biologique de reproduction du groupe. La dame de qualité au contraire, n’est ni nourrice ni éducatrice, les enfants sont placés en nourrice puis en pension car l’on redoutait qu’ils s’amollissent au contact d’une maman trop tendre. Quand ils revenaient vers 16 ans le respect l’emportait sur la tendresse. Le rôle de la mère est alors de l’introduire dans le milieu social en lui apprenant les codes puis de lui trouver une alliance honorable.

Le code présenté à la convention le 9 août 1793 rompt totalement avec les conceptions de l’ancien régime. Imprégnés de Rousseau, de Kant, de Locke, des leçons de la Nature et de la Raison, les hommes de la convention affirment « que tous les hommes ont les mêmes droits et qu’il ne saurait être question qu’un enfant fut un objet de droit pour son père. Les parents « ne sont envers leurs enfants ni propriétaires ni créanciers, ils sont débiteurs ».

Mirabeau aîné d’une famille noble, ayant un fort sentiment d’injustice fut l’un des plus ardents défenseurs de ces dispositions y ajoutant la « suppression de toutes les causes d’inégalité dans les partages ».

Le 18 brumaire Napoléon déclarant « nous voulons la république assise sur de l’égalité, de la morale, de la liberté civile et de la tolérance politique » prononce l’exclusivisme de la famille légitime « la société n’a aucun intérêt à ce que les bâtards soient reconnus », la supériorité maritale « le mari est le chef dont a besoin toute société » et renforça l’autorité parentale par la correction paternelle.

Cambacérès alors vice-consul eut bien quelques velléités « …les premiers tuteurs sont le père et la mère qu’on ne parle plus de puissance paternelle…le pouvoir des pères ne sera parmi nous que le devoir de protection ». Cette envolée courageuse ne résistera pas à ses ambitions politiques.

Ainsi Napoléon avait choisi un peuple un chef, une famille un chef.

Les abus de la correction paternelle furent tels que sous Napoléon III furent créées les premières enquêtes sociales.

Avec la révolution industrielle, le rôle de la mère va être renforcé sous l’influence conjointe de la bourgeoisie et des syndicats.

Les premières veulent privilégier le rôle de la mère comme agent de la mission conservatrice, du maintien des liens avec la famille élargie, transmission des traditions, orchestration des naissances, baptêmes, mariages, célébrations de fêtes religieuses.

Les seconds influencés par Proudhon défendent le culte de la ménagère dévouée, consacrant sa vie à l’aménagement du foyer, l’éducation des enfants et devenant ainsi agent du progrès social. La femme sans ressource autonome, c’est aussi un moyen de maintenir une stabilité forcée des couples. C’est d’ailleurs les chrétiens sociaux qui seront les plus fervents supporters de l’idée de femme au foyer.

  • Aujourd’hui :

L’évolution récente du droit de la famille affirme le principe d’égalité entre les pères et mères. "L'autorité appartient aux père et mère pour protéger l'enfant dans sa sécurité, sa santé et sa moralité". Ceci est vrai quel que soit le statut et le mode de vie des parents. La famille soudée par le contrat du mariage n’est plus le principe de référence. La législation affirme le primat de l’individu. Cette évolution prend en compte une dissociation des trois dimensions de la parentalité :

  • dimension biologique en référence aux parents,

  • dimension sociologique en référence aux parents sociaux (par exemple dans l’adoption)

  • dimension relationnelle-éducative en référence aux adultes – parents ou non - qui sont amenés à construire des relations de type parental avec des enfants.

Ainsi la notion de parentalité sort du contexte du couple de vie ou du couple géniteur, elle s’applique à ceux qui ont le rôle de nourrir, d’éduquer ou qui sont désignés par le Droit. Notons toutefois que le terme de parentalité n’existe pas dans le Droit français.

Ces changements ne vont pas sans créer des polémiques. Les écrits sur le nouveau rôle du père, voire la disparition du père sont nombreux et symptôme d’un malaise, les pères s’étaient très bien habitués à détenir une place qu’ils pensaient immuable. Les progrès scientifiques (Contraception, fécondation artificielle …), l’évolution des mœurs (accès des femmes à l’autonomie financière, libération de la sexualité, PACS…), le changement des structures sociales traditionnelles (remise en cause du caractère sacré du mariage, éclatement de la famille qui devient nucléaire et surtout urbaine…) ont effectivement changé les conditions d’exercice de la paternité et de la maternité. Si l’environnement sociologique de ces deux fonctions a changé, les rôles du père et de la mère par rapport à l’enfant, à son évolution ne sont pas fondamentalement différents. Nous y revendrons.

Les rôles parentaux

  • Devenir père et mère :

Pour l’un comme pour l’autre « le devenir parent » ne résulte pas du simple fait de la naissance. Si la femme devient mère par un processus biologique, l’homme devient père par un processus symbolique et les messages positif ou négatif transmis par la mère participent à la construction de l’image du père, intériorisée par l’enfant...

Chaque parent a été un enfant, à ce titre il a eu des parents génétiques ou de substitution. Cette expérience de vie constitue le fondement de notre approche du rôle de parent ; que l’on fasse pareil ou que l’on prenne le contre-pied, on ne peut échapper à cette référence. On a pu constater la difficulté de personnes ayant été élevées en institution pour assurer leurs rôles parentaux même si un certain nombre arrive à faire avec.

  • Parents et socialisation :

La socialisation, c’est l’ensemble des processus par lequel les individus apprennent et intériorisent les rapports sociaux, assimilent les normes, les modes d’agir et de penser. C’est ainsi que les individus forment leur propre identité et leur personnalité sociale qui permettront leur appartenance et le développement de leur statut spécifique dans le groupe social.

Pour Piaget, la socialisation est un processus irréversible qui passe toujours par les mêmes stades, même si la durée des stades peut varier selon les individus, les milieux, les sociétés. Les acteurs de la socialisation sont nombreux : père, mère, fratrie, école, lieux collectifs, camarades. L’enfant lui-même est acteur de sa propre socialisation.

  • Le rôle essentiel de la mère dans l’apprentissage du langage :

Avant de parler, l’enfant passe par la communication. Le nourrisson est très sensible à la communication non verbale, expression de la physionomie, gestes des mains et du corps, intonation. Dès sa naissance, le nouveau-né interagit avec sa mère permettant ainsi une adaptation réciproque de la mère et du nourrisson. Chez le bébé, la communication est le premier rapport à la parole.

  • Les parents ont un rôle essentiel dans la socialisation primaire.

Ils transmettent des schémas et des principes essentiels, en particulier dans la transmission des règles concernant le rapport au corps et les valeurs de base. Les liens affectifs dans la famille facilitent la socialisation. L’amour familial, qui présuppose gratuité et inconditionnalité permet une relation de confiance. La socialisation passe par la mise en œuvre de l’interaction entre l’individu et autrui. L’enfant se construit par la communication avec des individus proches, puis progressivement avec un cercle plus large. Le regard de l’autre est important dans la formation de l’identité. Dans notre organisation sociale, l’allongement des temps collectifs, en particulier dans la petite enfance, réduit le temps des contacts au sein de la famille. Ceci peut être compensé par l’intensité de ces contacts.

La socialisation de l’enfant suppose une autorité éducative. Celle-ci ne peut s’exercer efficacement que si elle a été précédée d’une première phase d’amour inconditionnel. C est la phase de maternage à un moment où l’enfant est au stade d’une dépendance absolue. Dans les trois premiers mois de sa vie l’enfant reste au stade des besoins vitaux, ce n’est que vers trois mois qu’il va passer du besoin au désir. Dans un premier temps la logique du maternage va continuer à prédominer, les adultes restent essentiellement dans une logique de soumission à l’enfant, ils n’exigent encore rien de sa part. L’enfant va développer là sa capacité à communiquer, à différencier son monde du monde extérieur. Cette phase est indispensable car l’enfant ne pourra intégrer une autorité externe que si la phase préalable du maternage a existé.

Le développement correct de la personnalité de l’enfant exige qu’à un moment et progressivement son père et sa mère lui imposent de soumettre ses conduites non plus à ses seuls désirs mais aussi à la volonté de son environnement. Ce passage est essentiel pour la socialisation de l’enfant : ne pas imposer une autorité extérieure c’est l’abandonner à ses impulsions spontanées et commencer à construire chez lui un sentiment de toute puissance porteur d’angoisses. Ce passage est une épreuve pour les parents qui doivent passer d’une période de prise en compte totale des besoins de l’enfant à une phase de distanciation relative. Ceci est aujourd’hui peut être encore plus difficile du fait que les pères sont plus engagés dans la phase de maternage perdant ainsi en partie l’extériorité qu’ils avaient dans l’éducation traditionnelle. Difficulté supplémentaire pour les parents, notre société développe un anti-autoritarisme diffus. Ces éléments laissent de plus en plus de jeunes couples désemparés face à l’apprentissage de la socialisation et à l’indispensable différenciation des rôles parentaux. Cette période de mise en place des interdits passe par une sortie progressive de l’enfant de la relation symbiotique et vitale à la mère ; le père est le premier élément étranger, extérieur qui va trianguler cette relation. Cette phase demande douceur et doigté, la coopération père mère est incontournable, ils doivent s’encourager, se réguler, se rassurer, se respecter mutuellement.

La tentation est grande pour les parents d’essayer de faire passer ces interdits par le raisonnement, la discussion, l’explication,… L’efficacité de cette méthode est douteuse car elle ne prend pas en compte le stade d’évolution de l’enfant. Jusqu’à 18 / 20 mois le langage et le raisonnement ne sont pas acquis. Faire plaisir à papa ou maman est pour le très jeune enfant une notion incompréhensible. Pourtant ce « dialogue » est souvent indispensable pour se rassurer et renforcer la détermination des parents.

La crise d’opposition vers trois ans va augmenter la difficulté des parents à faire face à cet enfant opposant redoutable, qui mobilise toute son énergie à dire non ou pourquoi, et à tester la capacité de résistance des parents. Là aussi la coopération des parents est indispensable à leur équilibre personnel et de couple.

Vers cinq /six ans ce « petit d’homme » va commencer à se sentir appartenant à un sexe, ce sera pour les parents un moment important. La femme ou l’homme ne pourra être un objet de d’investissement, d’identification que si l’autre parent en valide l’image.

Vers 6 -7 ans une autre difficulté attend les parents. Progressivement ils ne sont plus les images de référence essentielles et devront composer avec l’école, les copains, les parents des copains, la télé, les lectures…

Vers douze ans il va constituer sa propre échelle de valeur et contester les valeurs des adultes et de la famille. Cette période d’opposition est non seulement normale mais nécessaire, l’adolescent se construit et s’individualise dans l’opposition. La fragilité propre à cette démarche de construction de sa personnalité demande aux parents une capacité d’adaptation permanente et multiple : rassurant et capable d’offrir une opposition consistante, aimant et permettant l’accès à une autonomie dont on ne dira jamais assez qu’elle se conquiert et ne se donne pas. L’essentiel dans cette période est de ne jamais démissionner tout en sachant que des interdictions trop cassantes ne vont que renforcer le comportement que les parents souhaitent modifier. L’adolescent est capable de créer le conflit pour le conflit ; aux parents d’être vigilants pour ne pas entamer les conflits par anticipation.

Tout au long de cette phase de socialisation, l’enfant va construire sa relation à l’autre à travers l’image qu’il perçoit de sa relation à ses parents mais aussi de leur relation entre eux, avec le reste de la famille et les amis, voisins ou collègues de travail.

  • La place de chacun dans l’éducation :

Ces places sont-elles interchangeables ?

L’homme actuel ne peut plus compter sur un pouvoir, une place conférée automatiquement. On ne naît plus père, on le devient, alors que jusqu’ici, la conjugalité légitimait la paternité. Conjugalité et parentalité ne sont plus données comme un tout cohérent de la famille moderne. L’un des aspects les plus visibles des changements intervenus durant ces dernières années dans l’appréhension et la fonction paternelle est la participation du père à la grossesse, à l’accouchement de sa femme ou compagne et à la relation précoce au nouveau-né. Il ne faut pas pour autant assimiler un peu hâtivement « les papas poules » à une « maman bis ». La difficulté pour le père est de prendre sa place dans le duo mère / enfant, sans singer la mère, tout en restant lui-même, c’est à dire un homme, alors qu’il intervient dans un rôle effectué autrefois par les femmes. Si le père moderne a pu inventer une relation plus proche, plus affective, plus « domestique » avec ses enfants, cela a requis l’accord de la mère.

Tout au long de la vie de l’enfant, la place de chaque parent va évoluer et s’adapter. Dans les premiers mois, nous l’avons déjà évoqué, le père va permettre l’ouverture sur l’extérieur de la relation symbiotique de l’enfant avec sa mère. Plus tard à partir de 4 -5 ans le parent de même sexe va devenir image d’identification pour séduire l’autre parent. Dans cette longue période d’évolution va se construire sa propre image mais aussi celle de l’autre sexe ; d’où l’importance du respect, de la considération que les parents ont l’un pour l’autre.

  • Education et autorité :

Dans la partie consacrée à la socialisation nous avons vu l’importance pour l’enfant d’une autorité dans l’éducation. L’objectif de l’autorité ne peut se résumer à une satisfaction narcissique du pouvoir des parents, il est celui de la construction d’une personnalité capable d’autorégulation dans la relation sociale, d’indépendance et d’originalité. L’autorité pour être structurante doit être assortie de certaines limitations et de certaines conditions.

  • elle ne doit pas être trop précoce. Nous connaissons tous cette course acharnée à la propreté qui tourne dans la salle d’attente du pédiatre à une compétition digne du livre des records. Il faut savoir que ce n’est pas son obéissance qui est structurante mais la défaite de sa volonté de toute puissance dans cette phase éducative.

  • Elle ne doit pas être terrorisante sinon il ne pourra intégrer les interdits, les faire siens comme élément de sa personnalité et il restera un être fragile, soumis ou persécuteur.

  • Les exigences dans l’éducation doivent être constantes, cohérentes, clairement exprimées et assumées par les deux parents. Trois pièges guettent les parents :

    • la surprotection : trop d’interdit l’empêchant de satisfaire sa curiosité naturelle, une inquiétude exagérée qui empêche toute initiative, empêchent le détachement progressif du monde parental et la conquête du monde extérieur.

    • La sous protection qui amène à surestimer ses capacités le laissant seul face à des situations qu’il ne peut pas gérer.

    • La sur-stimulation qui ne respecte pas leur rythme de vie et leur besoin de repos débouche parfois sur une compétition acharnée : il sait compter jusqu’à…il s’habille déjà seul… Comme si l’enfant devait par ses performances attester de la capacité d’éducation de ses parents et de leur réussite de géniteurs.

L’exercice de l’autorité demande aux parents de l’imagination, nous avons une tendance naturelle à faire « encore plus de ce qui n’a pas marché »

  • Parent biologiques et parents de substitution :

Dans les familles recomposées, le parent qui n’est pas le géniteur se sent souvent dans une situation difficile par rapport au parent d’origine et ceci d’autant plus que le parent biologique va sous estimer son ex-compagnon ou compagne dans sa capacité parentale. Le désir d’être un meilleur père ou une meilleure mère que l’absent ne concerne pas que l’image qu’il veut donner à l’enfant mais aussi celle qu’il pressant que son compagnon (sa compagne) attend de lui comme père ou mère idéalisé. Cet imbroglio des désirs, des attentes, des renoncements à ses propres convictions éducatives créent souvent, car ils ne sont pas parlés, de véritables conflits entre ce parent et l’enfant mais aussi à l’intérieur du couple. Lorsque que l’un des parents a élevé longtemps seul l’enfant, l’arrivée d’un conjoint est pour cet enfant une intrusion insupportable dans la relation à son parent et constitue parfois un véritable deuil. La question la plus difficile pour le parent « rapporté », question explicite ou implicite est « ferais-tu pareil si j’étais ton fils ? » Cette question est sans réponse, l’affirmation qu’il n’y aurait pas de différence est forcément suspecte.

Transactions familiales

Chaque famille est la résultante d’une chaine ininterrompue qui remonte loin dans le passé. Elle a une histoire issue de branches différentes, recombinée dans la famille actuelle. Dans le couple parental, chacun est chargé de ce qui lui a été enseigné/transmis dans sa propre histoire. Les deux membres de ce couple vont s’ingénier à développer une structure qui ressemble aux familles d’origine mais qui n’appartient qu’à eux.

  • Les « modèles » familiaux :

La famille traditionnelle ou élargie :

Ce qui se transmet entre les générations se fait au nom de la tradition, et l’éducation des enfants est sous la responsabilité de la parenté davantage que des parents.

La famille nucléaire :

Parents - enfants et un lien conjugal quel qu’en soit la forme, basé sur la rencontre de deux individus.

Les familles « homoparentales » :

Les enfants peuvent être nés d’une union hétérosexuelle antérieures, ou par « délégation » :

  • enfants conçus avec un partenaire géniteur,

  • insémination artificielle (hors France actuellement)

Les familles recomposées : plusieurs foyers, plusieurs couples.

Parents ayant ou non un nouveau partenaire de vie mais toujours deux lieux pour l’enfant : « chez papa » - « Chez maman » mais où est « Chez Moi ? »

Les familles adoptives :

Les enfants sont adoptés par d’autres parents que le ou les parents biologiques. Pour l’enfant le processus est complexe entre désaffiliation et réa filiation.

  • La famille change ?

Il est toutefois nécessaire de relativiser l’impact des transformations familiales. Nous pouvons de notre place, avoir l’impression que les formes particulières de famille sont majoritaires. En fait, la majorité des adultes vivent en couple, la majorité des enfants vivent avec leurs deux parents. Selon l’INSEE 18 % des enfants sont concernés par l’éclatement familial. Si aujourd’hui, la plupart des familles monoparentales ou recomposées résulte d’une séparation volontaire des couples, au début du siècle dernier et jusqu’aux années 1950, ces familles existaient aussi en grand nombre du fait de la mortalité précoce et des guerres. Ces formes particulières de familles ne remettent pas fondamentalement en cause les schémas de la socialisation. Aucun argument ne permet de justifier l’idée selon laquelle les conditions de la socialisation seraient plus difficiles dans les familles monoparentales ou recomposées. On pourrait même dire que les familles recomposées peuvent être l’occasion d’inventer une nouvelle forme d’identification et de relation entre les individus (principe d’élection mutuelle).

On ne peut toutefois éluder les difficultés rencontrées par les enfants lors d’une séparation ou d’un veuvage. Pour l ‘enfant, il s’agit d’une perte dont il se sent responsable comme cette petite fille de 6 ans qui, après le décès de sa mère, disait à sa grand-mère « si je suis bien sage maman va revenir ». Dans le cas d’une séparation, les parents doivent faire l’effort d’une explication suffisamment claire, en fonction de son âge, pour atténuer cette culpabilité. L’enfant élevé par un seul parent peut avoir des difficultés à s’identifier au parent de son sexe absent si celui-ci est rejeté par le parent éleveur ; ressembler à son père ou à sa mère devient une faute à éviter. De même, la fille vivant avec sa mère ou le fils avec son père qui dénigre l’autre parent rencontrera des difficultés dans sa relation à l’autre sexe.

Quelle que soit la situation, l’importance accordée à l’enfant lors d’une séparation est primordiale. Il y a pour lui une véritable difficulté lorsqu’il devient un enjeu. Les études menées - par Mucchielli notamment - sur la déviance sociale et plus particulièrement sur la délinquance, font ressortir que les facteurs relationnels sont plus importants que la structure de la famille. Ce qui favorise essentiellement l’inadaptation sociale, c’est le conflit grave entre les parents qu’ils vivent ensemble ou séparés. Les recherches indiquent que ce climat familial est souvent dépendant des difficultés socio-économiques de la famille : les familles les plus à risque étant celles où se cumulent la mésentente parentale et la précarité.

  • Couple de vie - couple parental ?

Les termes de couple de vie et couple parental sont fréquemment employés créant beaucoup de confusion ; en particulier dans les familles séparées ou recomposées. Le dictionnaire Quillet donne du mot couple la définition suivante : « se dit de deux êtres animés d’un même sentiment » ; « deux personnes unies par amour ou par mariage ». Que vient alors faire la notion de couple dans l’élevage des enfants, surtout quand le couple de vie n’existe plus ou n’a jamais existé ? Peut-on y substituer le mot dyade dont la définition dit : « ensemble de deux principes plus ou moins opposés l’un à l’autre… » ; dans un certain nombre de situations, il paraît approprié…

  • Désir d’enfant – droit à l’enfant ?

Le désir d’enfant est souvent exprimé. Parfois, cela tourne à la revendication et là on entend « droit à l’enfant ». Ces deux termes sont totalement différents dans leur signification et dans ce qu’ils entendent en terme de projection dans l’avenir. Le désir est une tendance consciente vers un objet jugé ou imaginé bon, c’est à dire comme source possible de satisfaction ou de plaisir. Le droit découle d’une législation, de la satisfaction d’un sentiment d’inégalité mais il est figé dans une perspective de satisfaction immédiate d’une revendication égalitariste.

  • Le cycle de vie :

  • Formation du couple

  • Arrivée des enfants,

  • Passage à l’adolescence,

  • Départ des jeunes adultes,

  • Vieillissement

A chaque étape correspond un changement, une nécessité de réadaptation des relations familiales : c’est la crise familiale sur laquelle nous reviendrons.

  • La famille une affaire de LIEN

La famille est un modèle qui combine 4 liens distincts :

Les liens conjugaux : mariage, concubinage, PACS, intra et extra conjugaux ;

Les liens de filiation : combinent les liens biologiques et généalogiques ;

Les liens de fratrie : organisent les places entre les enfants ;

Les liens de parenté : différents des 3 cités précédemment.

La définition du mot :

Nous retiendrons ici trois définitions :

  • Élément qui réunit, rattache deux ou plusieurs choses entre elles, assure leur relation, les met en rapport; le rapport lui-même tel qu'il est perçu par l'esprit.

  • Ce qui unit deux ou plusieurs personnes (ou groupes de personnes), établit entre elles des relations d'ordre social, moral, affectif.

  • Rapport juridique entre deux ou plusieurs personnes résultant de la parenté ou de l'alliance.

Il est couramment employé pour définir une relation, on parle de : liens humains; lien juridique, légal, de droit; lien social, lien moral; lien de parenté, de famille, de naissance; les liens du sang; le lien conjugal, les liens du mariage; les liens de l'âme, du cœur, du corps, de la chair;

Ils sont aussi qualifiés : de doux, de tendres liens; liens étroits, intimes, forts, puissants, profonds, indissolubles;

Ils résultent d’une volonté et à ce titre peuvent être fait et défait :

  • contracter, établir, nouer, resserrer des liens,

  • mais aussi : briser, dénouer, relâcher des liens.

Parmi les synonymes nous pouvons relever : accointance, affection, affinité, amarrage, analogie, attache, attachement, corrélation, courroie, cousinage, enchaînement, filiation, fraternité, fréquentation, intermédiaire, liaison, ligature, nœud, racine, rapport, relation, union.

Mais aussi : astreinte, boulet, bride, carcan, chaîne, entrave, licol, obligation, prison, servitude, assujettissement.

De même pour les antonymes, nous trouvons : brèche, fossé, hiatus,

Et : indépendance, liberté, rupture.

Ceci nous montre la complexité de cette notion de LIEN exprimant à la fois proximité et rejet.

Aspects dysfonctionnels du LIEN :

Dans la relation parent-enfant Haley décrit trois principaux niveaux de lien correspondant aux notions psychanalytiques, et leurs pathologies :

- Sur le plan affectif, lorsque ce sont, avant tout, les besoins de dépendance infantiles qui se trouvent manipulés et exploités ; dans ce cas nous parlons simplement d’un « lien au niveau du ça ».

Ce lien au niveau du ça va souvent de pair avec une vie d’enfant gâté et, par là même, menacé de régression. Cela a pour conséquence de mener rapidement le sujet à une disposition de dépendance passive, voire de symbiose, qui reflète les troubles de l’individuation intégrée aussi bien qu’elle les induit.

Les enfants entrainés dans un lien de ce type connaissent généralement une période d’adolescence difficile. Traités en enfant, ils sur-réagissent se changeant en tyran qui, par une croissance de ses exigences, paralyse les parents déchirés entre la peur et la culpabilité.

- Sur un plan essentiellement cognitif, quand l’un des parents (ou les deux), en instaurant un lien, impose à l’enfant une déformation de son propre moi ; dans ce cas, nous parlons de « lien au niveau du moi» ;

Ce lien au niveau du moi signifie, en règle générale, mystification (R. D. Laing, 1965) : les parents exposent l’enfant dépendant à des signaux contradictoires, de sorte qu’il n’est finalement plus en mesure de décoder convenablement ses propres signaux internes. La psychanalyste américaine Hilde Bruch a montré comment se manifeste une mystification de ce type dans la relation entre des parents et leurs enfants menacés d’obésité. Ces derniers sont victimes d’une tromperie qui affecte leurs critères de reconnaissance de la faim et de la satiété. Ce sont toujours les parents qui savent si les enfants ont encore faim ou non. La connaissance de soi s’en trouve dévalorisée chez les enfants, et toute leur vie interne leur est confisquée. De tels parents contribuent à gaver leurs enfants quand ceux-ci ont mangé plus que nécessaire, ce qui les conduit à un engraissement pathologique.

- Sur un troisième plan, si ce sont les besoins de loyalisme de l’enfant qui sont alimentés et exploités, dans ce cas, nous parlons de « lien au niveau du surmoi ».

Ce lien peut se manifester massivement au niveau du surmoi. L’enfant reste prisonnier d’un loyalisme intense, quoique invisible, et développe un vif sentiment du devoir. Il sent que la survie psychologique de ses parents dépend de lui seul, ce qui a pour conséquence un puissant sentiment de culpabilité, s’il devait tenter de se libérer – même si ce n’est que par la pensée.

Pour Salvador Minuchin, il existe dans chaque famille des frontières intergénérationnelles fondamentales, en particulier la frontière entre parents et enfants. Il décrit trois types de frontières :

  • Perméable, permettant une relation, des transactions, des négociations et des compromis. Chacun restant dans son registre générationnel ;

  • Imperméable : elle isole chacun dans sa génération et génère une forme de relation autistique où chacun campe sur ses positions sans compromis possible ;

  • Floue : un parent attire un enfant dans le monde des adultes :

    • confidences sur la relation de couple (Ex : dans des situations de parricide : nous avons constaté un discours de la mère vers l’enfant à propos du mari alcoolique et violent du type « nous serions heureux sans ton père, un jour nous partirons »)

    • participation à des décisions ou des événements qui ne relèvent pas du registre de l’enfance (Ex : un garçon de 16 ans assiste lors de la naissance de son petit frère à l’accouchement de sa mère à la maternité)

    • les comportements incestuels et incestueux qui amènent un parent à considérer un enfant comme un partenaire sexuel potentiel.

On parle aussi dans ce cas d’indifférenciation ou d’inversion générationnelle ou de liens transgressifs.

Autre forme du lien : le rejet.

Dans cette situation, l’enfant est soumis à un lien de rejet. Repoussé, négligé, il éprouve froideur, rebuffades et indifférence de la part de ses parents ou d’autres personnes importantes dans son environnement relationnel.

Ils éprouvent un grand besoin de chaleur humaine et de sécurité et recherchent un partenaire ou des parents « adoptifs ». Mais ayant l’expérience et la peur de ne pas être « aimables » (au sens digne d’être aimé), ils multiplient les initiatives inadaptées:

  • comportement aboutissant à un rejet qui confirme le sentiment de ne pas être digne de l’intérêt qu’on leur porte ;

  • refus que l’on s’occupe d’eux ;

  • appréhende l’intimité ;

  • ou demandent de manière sur-compensatrice et narcissique une reconnaissance jamais suffisante et illusoire.

  • La délégation :

L’élément central de la délégation est le lien de loyauté qui unit celui qui délègue et celui qui est délégué. Le processus de délégation n’est pas en soi et nécessairement pathologique mais il déraille parfois :

  • missions manifestement inadaptée aux ressources et aux besoins correspondant à l’âge du délégué ;

  • délégations contradictoires et incompatibles des deux parents entrainant le sentiment d’être en faute quoi que l’on fasse ;

  • délégation entrainant des conflits de loyauté débouchant sur un lourd sentiment de culpabilité lorsque l’on trahit un parent délégant au profit de l’autre.

  • La délégation peut avoir pour objectif de maintenir l’enfant prisonnier à l’intérieur d’un périmètre affectif contrôlé par la famille (mission de remplacer l’enfant perdu).

  • Legs et mérite :

  • Legs :

Pour Boszormenyi-Nagy, la notion de délégation peut être envisagé comme une extension transgénérationnelle du principe de délégation exposé ci-dessus.

Il s’agit d’un LIEN plurigénérationnel qui se transmet aux enfants lorsque les legs sont contradictoires, entraînant des conflits de loyauté et une obligation de rendre compte à la laquelle participent plusieurs génération ; mais aussi des clans familiaux en opposition profonde.

  • Mérite :

Si la perspective trangénérationnelle est caractérisée par la notion de legs, elle l’est aussi par celui du mérite personnel. Pour Boszormenyi-Nagy : « la dynamique des relations familiales essentielles est déterminée par un Compte des mérites ». II attribue au gain voire à la conscience du gain, une force de semblable à celle qui, dans la théorie psycho dynamique centrée sur l’individu, est conférée à la pulsion ou au besoin.

Le fait de remplir ou de ne pas remplir les legs se répercute sur « l’état du compte des mérites » de chaque membre de la famille. Le sentiment qu’a ce dernier d’être traité justement ou injustement, d’être en possession du bon droit ou d’avoir un but dans son existence est déterminé par cet état.

Au concept des comptes de mérites se trouve liée l’idée d’une contrainte agissant à travers les générations, et dont le but est le suivant : chacun doit rendre des comptes sur ses mérites  présents ou passés et, dans le même temps, il doit exiger une semblable démarche de la part des autres· membres de la famille.

Ceci amène souvent dans les familles une « escalade symétrique » (course aux armements), lutte pour le pouvoir dans les rapports de couple et les relations intrafamiliales.

  • Les mythes familiaux :

Croyances partagées par tous les membres de la famille concernant la nature de leurs relations, les mythes imposent des règles masquées, dissimulées sous la routine (cela a toujours été comme ça) et les clichés familiaux.

Les mythes sont souvent si bien intégrés qu’ils apparaissent aux membres de la famille comme des évidences.

De l’extérieur ces croyances apparaissent absurdes ou « folles ». Pourtant elles instaurent, maintiennent et justifient des modèles d’interaction inadéquats partagés et soutenus par tous les membres de la famille.

Bien que le plus souvent les mythes concernent le rôle d’un ou de plusieurs individus, ils déterminent le comportement relationnel de toute la famille. Ainsi, il a un double rôle :

    • Protection : il cache au monde extérieur le modèle des interactions familiales ;

    • Défense : par ses distorsions de la réalité, il permet d’éviter conflits et souffrance ou de les nier par des automatismes ou rituels.

Les mythes familiaux sont nombreux mais l’on peut évoquer trois grands thèmes conjugués à l’infini :

    • Le mythe de l’harmonie : image idyllique des relations familiales ;

    • Le mythe du pardon et de l’expiation où la famille a besoin d’un « bouc émissaire » pour expier sa culpabilité ;

    • Le mythe du sauvetage où un membre de la famille, le « patient désigné » ou le « bouc émissaire » est délégué comme sauveteur ou bienfaiteur de la famille.

  • Les crises familiales :

Ce mot s’est banalisé et est employé avec différentes acceptions. Lorsque l’on parle de crise familiale, elle se caractérise par  trois aspects, elle est :

- Réversible

- Temporaire

- Non chronique.

Haley la définit comme « un changement d’équilibre relationnel qui survient à l’intérieur du groupe familial, lors du passage d’une étape à une autre, au sein du cycle de vie familial ». Elle intervient aussi à l’occasion d’événements non prévisibles dans le cycle familial lorsque quelqu’un entre ou sort du système familial (divorce, rupture, séparation) où lors d’événements de vie (chômage, faillite).

Quand la famille ne peut mobiliser ses ressources pour rétablir un nouvel équilibre (sortie de l’homéostasie), elle peut être à l’origine de symptômes et/ou de passages à l’acte chez l’un de ses membres.

La plupart des familles surmontent ces crises par des ajustements relations, une nouvelle définition de la relation.

La crise se prolonge lorsqu’il y a inadaptation entre réponse du système familial et exigence de changement amenée par l’évolution de la famille ; ces familles dites « dysfonctionnelles » ce caractérisent par :

  • Des difficultés dans la communication verbale et des émotions,

  • Des excès dans les échanges : soit dans le manque de sens, de durée ; soit vers la rigidité et les stéréotypies,

  • Un manque de perception du devenir commun et de ses nécessités de compromis souvent révélés par des passages à l’acte ou des symptômes récurrents,

  • Une ouverture vers l’extérieur excessive débouchant sur la dissociation et les séparations. A l’inverse, une famille trop fermée sur elle-même inhibe la croissance de ses membres.

  • Les fonctionnements familiaux problématiques :

Ils se révèlent par l’existence de nombreux symptômes portés par un patient désigné mais pas uniquement.

  • La famille enchevêtrée (Minuchin) se caractérise par :

    • un mythe d’unité familiale qui tolère peu la différence ;

    • des rôles rigides ;

    • des pulsions violentes s’exprimant à l’intérieur du groupe familial notamment les violences sexuelles ;

    • un système tournée sur lui-même et développant son propre microcosme ;

    • un sentiment d’appartenance avec fléchissement de l’autonomie ;

    • une surabondance de communications et un souci excessif des besoins du prochain ;

    • des frontières individuelles brouillées ;

    • une différenciation diffuse où le comportement de l’un affecte immédiatement celui de l’autre ;

    • des tensions traversant massivement les frontières et se répercutant très vite dans les sous-systèmes voisins ;

    • des capacités d’adaptation ou de changement exigées déficientes ;

  • La famille désengagée (Mara Selvini et équipe de Milan) montre :

    • une tendance à expulser les membres de la famille vers la vie sociale sans les doter d’un modèle bien défini d’adaptation ;

    • une apparente rigidité des rôles et des rôles parentaux très instables ;

    • une autonomie affective des enfants malgré une très forte immaturité ;

    • des frontières rigides ;

    • incapacité des membres de la famille à avoir un sentiment d’appartenance à la famille ;

    • difficultés à demander de l’aide ou du soutien dans la famille ;

    • communication difficile, maladroite ;

    • fonctions protectrices rarement assumées ;

    • les difficultés prennent un caractère individuel du fait de la rigidité des frontières ;

    • passages à l’acte nombreux de la part des enfants : grossesses précoces, délinquance, prostitution ;

  • La famille chaotique (Guy Ausloos) :

    • oscillation constante entre mouvements paradoxaux jusqu’à la destruction ;

    • hyper rigidité ;

    • importantes rétroactions pour le maintien du statut quo (homéostasie) ;

    • le système se ferme de façon progressive pour aboutir à la stagnation (type psychotique) ;

    • changements extrêmes, déviations amplifiées aboutissant à la désorganisation ;

    • frontières avec l’extérieur pratiquement inexistantes de sorte que les informations qui en proviennent sèment la confusion (délinquance) ;

    • absence de capacité d’adaptation fonctionnelle et créative.

  • La famille à transaction schizophrène :

Cette approche découle des travaux de G. Bateson, J.Haley et JH Weakland. Ils ne visent pas à donner une « explication » à la schizophrénie mais à montrer les constantes dans les familles ayant un enfant schizophrène.

Cette approche est aussi appelée « théorie de la double contrainte (double bind).

Dans la situation de double contrainte, tout individu verra s'effondrer sa capacité de distinguer les types logiques. Les conditions de réalisation de la double contrainte sont les suivantes :

1 – L’individu est engagé dans une relation intense ; c’est à dire une relation dans laquelle il sent être d’une importance vitale pour lui de distinguer avec précision quelle sorte de message lui est communiquée, afin de pouvoir y donner une réponse appropriée. Par exemple : la vie familiale, notamment l'interaction parents-enfants, l'infirmité, la dépendance matérielle, la captivité, l'amitié, l'amour, la fidélité à une croyance, une cause ou une idéologie; des contextes fortement normatifs.

2 – L’émetteur, à l’intérieur de la relation, émet des messages de deux ordres dont l’un contredit l’autre. Cette contradiction peut être entre l’analogique et le digital, mais elle peut être aussi contenue dans le digital. Quand elle est verbalisée l'injonction secondaire peut revêtir une grande variété de formes, par exemple: " Ne considère pas ça comme une punition " dit le parent à l’enfant qu’il vient de sanctionner.

3 – Le récepteur devient incapable de commenter les messages émis, pour mieux distinguer auxquels des deux il doit répondre ; c’est à dire qu’il est incapable de formuler un jugement qui relève de la méta communication. ».

Cette situation connaît des variantes quand la double contrainte est exercée non pas par une personne, mais par deux. Un des parents peut ainsi contredire, à un niveau plus abstrait, les injonctions de l'autre. On parlera dans ce cas de double-lien.

4 - Une injonction négative tertiaire, qui interdit à la victime d'échapper à la situation. En principe, il ne serait peut-être pas nécessaire d'isoler cette injonction, puisque le renforcement aux deux niveaux précédents comporte déjà une menace pour la survie et que, si la double contrainte survient durant l'enfance, la fuir est de toute évidence impossible. I1 semble néanmoins que, dans certains cas, fuir la situation soit rendue impossible par des stratagèmes qui ne sont pas entièrement négatifs : promesses d'amour, etc.

5. Pour finir, il convient de noter qu'il n'est plus nécessaire que ces éléments se trouvent réunis au complet lorsque la " victime " a appris à percevoir son univers sous la forme de la double contrainte. À ce stade, n'importe quel élément de la double contrainte, ou presque, suffit à provoquer panique et rage.

Un individu, pris dans une situation de double contrainte, risque donc de se trouver puni (ou tout au moins de se sentir coupable), lorsqu'il perçoit correctement les choses, et d'être traité de "méchant" ou de "fou" pour avoir ne serait-ce qu'insinué que, peut-être, il y a une discordance entre ce qu'il voit et ce qu'il "devrait" voir.

Avec deux conséquences dérivées :

    • Là où s'établit une double contrainte durable, éventuellement chronique, l'individu (surtout s'il s'agit d'un enfant) s'y attendra comme à une chose allant de soi, propre à la nature des relations humaines et au monde en général, conviction qui ne demande pas plus ample confirmation.

    • Le comportement paradoxal qu'impose la double contrainte possède en retour la propriété d'être "doublement contraignante", ce qui conduit à un modèle de communication qui est un cercle vicieux. Si l'on étudie isolément le comportement du partenaire - objet de la double contrainte - celui-ci apparaîtra comme bizarre, inadéquat, fou.

JP Piquemal

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