LE PREMIER ENTRETIEN EN TRAVAIL SYSTEMIQUE



LE PREMIER ENTRETIEN EN TRAVAIL SYSTEMIQUE

Il constitue un des moments clef et conditionne la suite du travail et tout naturellement la question « vont-ils donner une suite à ce premier entretien ? ». On peut toujours invoquer leur manque de motivation, les résistances de tel ou tel, les manipulations de l’un ou l’autre membre de la famille. La seule question qui vaille est « comment nous sommes-nous arrangés pour qu’ils ne reviennent pas ? » parce que les résistances, le manque de motivation pour cette famille et les manipulations inconscientes n’épargnent pas les intervenants. Cette question est aussi celle qui nous permet de progresser dans notre technicité, « cent fois sur le métier remettez l’ouvrage ……… »

Lorsque les personnes viennent sur injonction, qu’elle soit judiciaire, administrative, médicale ou émanant d’un tiers « influent » :

  • le travail sur les émotions crées par cette situation sera primordial dans le cadre de ce premier entretien. Je vous renvoie pour cela à deux documents ci-joints : « l’intervention de crise «  et « Mandat, famille, travail social »,

  • La personne ou la famille peut se retrouver dans une forme de double contrainte  et confrontée à un paradoxe : elle doit non seulement se soigner mais aussi avoir envie de se soigner, adhérer à l’option qui lui est proposée, et pourquoi pas remercier celui qui prend la décision pour elle !

« La première préoccupation du thérapeute (de l’intervenant) doit être de créer une ambiance favorable à la récolte d’informations* »

L’intervenant prend en compte :

  • Le fait que le contexte d’intervention influence les comportements des personnes : ce que je vois est ce qui se passe ici dans ce contexte ;

  • Le diagnostic (les hypothèses) se fait progressivement « diagnostic et intervention font partie du même processus* » ;

  • Les observations ne sont jamais définitives mais doivent être constamment vérifiées ;

  • Cette phase « peut devenir une bataille pour le contrôle de la relation thérapeutique. Si le thérapeute essaie d’éviter cette bataille, il prend le risque de créer une relation de pseudo mutualité* ».

Les intervenants structurent le temps et l’espace :

La famille est attendue, l’espace est organisé, les intervenants maîtrisent le temps. Ceci constitue les conditions basiques nécessaires pour donner un sentiment de sécurité à la famille et définir le lieu comme lieu de travail (lieu thérapeutique).

Elargir le champ au-delà de la problématique affichée :

Sans nier ou disqualifier le symptôme présenté comme le « problème de la famille » l’intervenant s’efforce, en s’adressant aux différents membres de la famille de faire ressortir sans les nommer ou les « pointer » leurs comportements dans le système familial.

Empathie :

Mot mythique dans toutes les formes de thérapie, il mérite d’être précisé dans le cadre du travail systémique. La définition du dictionnaire bien que laconique livre les termes essentiels : « résonance, communication affective avec autrui ». La difficulté en systémie est que l’on ne peut se contenter de se centrer sur les processus se déroulant chez un individu (intra psychique) ou entre un individu et l’intervenant mais devons prendre en compte les interactions dans la famille et la relation du groupe familial avec l’intervenant.

Elle ne peut se développer que si nous acceptons de faire abstraction de nos valeurs familiale, culturelle ou personnelle pour considérer que dans cette famille et dans son contexte, les valeurs et les attitudes sont adaptées à une situation inadaptée.

L’intervenant pénètre dans l’univers familial. Pour cela il :

  • Adapte son langage, son style ;

  • Respecte les règles de la famille ;

  • Signifie qu’il s’intéresse à chaque membre de la famille en tant que personne et pas seulement parce qu’il a des difficultés ;

  • Chaque personne est d’égale importance et digne d’attention ; non seulement pour l’intervenant mais aussi pour tous les participants à la séance et il en est le garant attentif.

Etre à l’écoute du système :

« Dans le travail social ou sanitaire, nous avons souvent tendance à accumuler des informations transformant ainsi la personne en difficulté, en « objet d’observation*» car nous sommes « influencés par l’approche diagnostique initiale qui isole l’organisme malade de son contexte relationnel* ». Ceci nous conduit à « des compilations de données, théoriques et arbitraires, se substituent souvent à une compréhension réelle des besoins de l’enfant et de sa famille* ».

Pour l’intervenant systémique, dans le cadre du premier entretien, le centre d’intérêt n’est pas l’intra psychique mais ce qui se passe entre les membres du groupe familial « ici et maintenant ». Dans ce premier entretien, l’intervenant découvre comment « le système familial englobe ces comportements (comportement déviants, symptômes, allégation …) et les articule en un ensemble fonctionnel*. Faciliter les interactions est son premier souci. Sa façon de ponctuer la communication est déterminante, il n’est pas pressé et bien que son narcissisme en souffre, il évite de montrer par des questionnements intempestifs qu’il sait relever les failles ou faire parler quelqu’un. Au contraire, dès qu’il a reconnu des informations pertinentes ou des systèmes répétitifs relationnels il oriente la discussion sur un autre thème.

Ces efforts de l’intervenant pour que l’entretien soit clair et pertinent ne sauraient le conduire à l’indifférence. Si quelqu’un manifeste de la souffrance par des pleurs ou des attitudes non verbales, il réagit humainement et avec naturel.

Pour Salvador Minucchin** le centre d’intérêt de la thérapie familiale est plus étendu que la famille. Et les contextes scolaires, sociaux, de la famille élargie,… ne doivent pas être omis.

Ubipartisme :

Complémentaire et renforçant la notion d’empathie, cette attitude sort l’intervenant du risque d’être une sorte d’arbitre neutre ou de juge. Il est capable de se mettre tour à tour à la place de chacun des membres de la famille, même d’un membre absent. Il signifie que tous les membres de la famille sont également importants pour lui.

Etre en phase avec l’atmosphère familiale :

La première séance est toujours une épreuve pour la famille. Saisir rapidement l’atmosphère permet à l’intervenant d’être en phase avec cette atmosphère. La difficulté essentielle est de ne pas être la caisse de résonance des inquiétudes sans pour cela rire avec ceux qui pleurent ou pleurer avec ceux qui rient.

Reconnaître le mérite des familles à faire la démarche :

Angoisse et/ou culpabilité sont souvent présentes. Amener la famille à exprimer ces sentiments, l’ambivalence par rapport au travail familial, les résistances de certains membres permettent à l’intervenant de commencer à construire un lien avec chaque membre de la famille.

Dans le cas d’injonction judiciaire, l’ordonnance est le point de départ du premier entretien, recueillir le sentiment de chacun sur celle-ci constitue une phase que l’intervenant ne peut négliger.

L’intervenant se centre sur le système :

Il va essayer au-delà des anecdotes familiales de repérer la Gestalt de la famille :

  • qui parle, qui se tait ;

  • communication non verbale ;

  • frontières de génération ;

  • disparités et points communs ;

  • liens et rejet ;

  • reconnaître les délégations et l’adéquation entre les délégations données aux enfants et leur capacité ;

  • alliances et conflits ;

  • stimuli et réponses ;

En un mot écouter la musique plus que les paroles.

JP PIQUEMAL

*Maurizio Andolfi : « La thérapie avec les familles » ESF

** Salvador Minuchin «  Familles en thérapie » Thérapies/Jean Pierre Delage

Références bibliographiques :

  • Le premier entretien familial Helm Stirling Thérapies/Jean Pierre Delage,

  • Techniques de base en thérapie familiale Donald A Bloch, Thérapies/Jean Pierre Delage

  • Nouvelles stratégies en thérapie familiale, Jay Haley, Thérapies/Jean Pierre Delage